La Croix fait savoir qu’« après 5 ans de travaux, l’Anses vient de rendre publique son évaluation sur l’exposition des professionnels de l’agriculture aux pesticides. Sévère, le rapport souligne les nombreuses lacunes en la matière, notamment dans les processus d’homologation ».
Le journal note tout d’abord que « les experts de l’Agence de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail le soulignent d’emblée : si l’usage des pesticides doit être réduit en France, c’est d’abord et avant tout pour protéger la santé des travailleurs de l’agriculture. Car ce sont bien eux […] qui sont directement en contact avec ces produits chimiques, massivement utilisés en France, et qui en subissent les premiers les conséquences ».
Les experts soulignent ainsi que « de nombreuses études épidémiologiques mettent en évidence une association entre les expositions aux pesticides et certaines pathologies chroniques (…) notamment certains cancers (hémopathies malignes, cancers de la prostate, tumeurs cérébrales, cancers cutanés, etc.) et certaines maladies neurologiques (maladie de Parkinson, maladie d’Alzheimer, troubles cognitifs) ».
La Croix ajoute que « la maladie de Parkinson a même été reconnue officiellement comme une maladie professionnelle ».
Le quotidien relève toutefois que le document « souligne les nombreuses lacunes qui conduisent à sous-estimer l’exposition des professionnels. Lacune d’abord dans les connaissances. Les données en la matière, même globales, sont «lacunaires», […] aucun organisme n’étant chargé de les centraliser. A fortiori, les précisions manquent sur l’exposition de certaines populations, telles que les femmes enceintes dont le fœtus peut être particulièrement vulnérable à certaines substances chimiques ».
La Croix évoque une « lacune aussi dans la réglementation. Ce qui conduit les experts […] à critiquer les procédures d’homologation conduites par l’agence elle-même ! Avant de pouvoir être utilisés, les pesticides doivent en effet recevoir une autorisation de mise sur le marché qui est délivrée par l’Anses sur la base du dossier présenté par les industriels. Ces derniers évaluent notamment dans leur dossier l’exposition des utilisateurs à leur produit ».
« Mais ces données ne sont pas publiques et ne donnent pas lieu «à des publications scientifiques avec relecture par les pairs», ce qui, regrettent les experts, ne permet pas d’engager des «débats contradictoires au sein de la communauté scientifique». Pire, les estimations d’exposition livrées par les industriels sont souvent réalisées sur de très petits échantillons et ont tendance, selon les experts, à écarter les cas d’exposition les plus élevés », relève le journal.
Le quotidien observe en outre que « la réglementation – qui repose sur des autorisations substance par substance – ne permet pas de prendre en compte les effets de l’utilisation de plusieurs produits tout au long de la vie professionnelle ou même dans une seule journée pour des tâches différentes ».
La Croix note par ailleurs que « sur le terrain, les agriculteurs ne portent pas toujours [les équipements de protection] ou «oublient» d’en changer régulièrement ! ».
Les experts concluent que « malgré les évolutions continues et permanentes des procédures d’homologation au cours des dernières décennies, certaines limites peuvent encore interroger sur leur pleine capacité à empêcher la mise sur le marché de substances à risque pour la santé humaine ».
Le Monde relaie également ces conclusions, mais constate : « Embarras autour d’un rapport explosif sur la nocivité des pesticides ».
Le journal observe en effet : « Ni communiqué ni conférence de presse. C’est pourtant un rapport singulièrement explosif que l’Anses a publié sur son site. En 7 volumes et près de 1.000 pages, il rassemble les connaissances disponibles sur l’exposition des travailleurs agricoles aux pesticides et montre notamment que les risques encourus par cette population de plus d’un million de personnes sont insuffisamment documentés et pris en compte dans le processus d’autorisation des insecticides, fongicides et autres herbicides ».
Un « familier du dossier » remarque qu’« il est plausible que les informations colligées dans le texte permettent à des victimes d’attaquer l’Etat pour carence ».
Le Monde constate en outre que « les modalités de la publication ne sont pas allées de soi. Elles ont même suscité de vives tensions entre la direction de l’Anses et les experts mandatés pour établir le rapport, au point que l’arbitrage du Comité de déontologie de l’agence a été nécessaire. Courant juin, même si les grandes lignes du rapport avaient fuité […], les organisations non gouvernementales (ONG) redoutaient que le texte ne soit jamais publié ».
cf:orlScoop.net