L’Autorité de la concurrence a sanctionné, à hauteur de 189 millions d’euros, six des principaux fabricants d’électroménager (Bosch Siemens, Candy Hoover, Liebherr, Electrolux, Indesit et Whirlpool). Ils s’étaient concertés pour imposer des hausses de prix aux distributeurs, entre autres pratiques illégales.
Des dirigeants de grandes entreprises qui se retrouvent dans un discret restaurant parisien (18 € la formule plat-dessert-café) afin de se mettre d’accord sur des hausses de prix de leurs produits : la scène semble tirée d’un film, mais est bien réelle. Après plusieurs années d’enquête, l’Autorité de la concurrence a sanctionné le 6 décembre six groupes d’électroménager parmi les plus importants du secteur pour s’être, notamment, concertés sur des hausses de prix. Il s’agit des groupes BSH (marques Bosch, Siemens, Viva, Neff), Candy Hoover (Candy, Hoover, Rosières), Eberhardt Frères (Lieberr), Electrolux (Electrolux, Arthur Martin, AEG), Indesit (Indesit, Ariston, Scholtès) et Whirpool.
En 2006-2007 et 2008-2009, les dirigeants de ces entreprises ont décidé d’imposer aux distributeurs des hausses de prix de leurs références les plus vendues de produits « blancs » : réfrigérateurs, congélateurs, lave-live, sèche-linge, lave-vaisselle, cuisinières, fours et plaques de cuisson. Les hausses étaient de 20 € pour les appareils coûtant moins de 200 €, de 30 € pour ceux entre 200 et 400 €, et de 50 € pour ceux de plus de 400 €. Les fabricants se sont aussi concertés sur les conditions commerciales appliquées aux cuisinistes, affectant également les prix pratiqués par ces derniers.
UN « PLAN DE GUERRE » EN TROIS ÉTAPES
L’enquête de l’Autorité de la concurrence a débuté après que des distributeurs ont contacté plusieurs antennes de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour faire part de leurs soupçons. L’ouverture d’une enquête par l’Autorité, en 2012, et des premières opérations de visite et saisie, en 2013, ont incité le groupe BSH (Bosch Siemens) à demander à bénéficier d’une procédure de clémence – c’est-à-dire d’une réduction de la sanction en échange de sa collaboration active à l’instruction. BSH a fourni à l’Autorité « beaucoup de descriptions et preuves complémentaires de ce qui avait été mis en place », ce qui « a permis de corroborer les éléments identifiés dans la première phase d’enquête »,a expliqué Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence, jeudi lors d’un point presse.
Elle a détaillé un « processus sophistiqué » mis en place par les entreprises « pour affiner le plan de guerre de l’entente ». Les échanges, organisés au plus haut niveau des entreprises, avaient lieu dans des restaurants parisiens en marge des réunions officielles du syndicat du secteur, le Gifam (qui n’est pas impliqué dans l’entente). Les lignes directrices définies lors de ces réunions secrètes étaient ensuite affinées par les responsables opérationnels des entreprises (chefs de produits, responsables marketing…), et les dirigeants se réunissaient de nouveau pour les valider.
Les réunions ont eu lieu entre septembre 2006 et janvier 2007, puis entre mai 2008 et avril 2009. « La deuxième fois, les entreprises ont perfectionné la mécanique de l’entente pour qu’elle fonctionne mieux », a précisé Isabelle de Silva.
DES EXCUSES DES ENTREPRISES
Face aux éléments recueillis par l’Autorité, notamment grâce à la collaboration de BSH, les entreprises mises en cause n’ont pas contesté les faits et ont sollicité la procédure de transaction prévue par la loi Macron du 6 août 2015. Cette procédure permet d’obtenir une réduction de la sanction, à condition de renoncer à contester les griefs. « La sanction est moindre, mais le but de l’Autorité n’est pas de demander la sanction la plus forte et d’ensuite passer des mois à échanger des mémoires d’avocats : il est mieux de boucler l’affaire ainsi », a justifié la présidente.
Les sanctions prononcées (56 millions d’euros pour Whirlpool, 48 millions pour Electrolux, 46 millions pour Indesit, 23 millions pour BSH – sanction réduite « de 70 à 80 % » grâce à sa collaboration –, 15 millions pour Candy Hoover et un million pour Eberhardt Frères) représentent un total de 189 millions d’euros. C’est la plus forte sanction prononcée par l’Autorité cette année, et la dixième plus importante depuis 2000. Le record reste la sanction à l’encontre de deux ententes concernant les marchés des produits d’entretien et des produits d’hygiène, qui avait atteint près d’un milliard d’euros en 2014.
Rendez-vous dans quelques mois pour l’acte deux : « l’affaire est tellement vaste que seule une partie des faits a été tranchée », a prévenu l’Autorité de la concurrence. L’enquête se poursuit sur un autre ensemble de pratiques de ce cartel, notamment des prix imposés aux distributeurs et l’interdiction qui leur a été faite de vendre certains produits sur Internet.