Café, cacao, viande…
Ces produits issus de la déforestation désormais interdits par l’UE
Les eurodéputés ont adopté ce mardi un texte qui prévoit l’interdiction des produits issus de la déforestation, comme l’huile de palme ou le bois.
Vue aérienne d’une zone de déforestation de l’Amazonie, le 15 septembre 2021 à Labrea, au Brésil
Pas de traçabilité, donc pas de cacao, ni même de café… Après de longues tractations, le Parlement européen et les États membres de l’UE ont trouvé un accord dans la nuit de lundi à mardi pour interdire l’importation dans l’Union européenne de plusieurs produits lorsqu’ils contribuent à la déforestation.
Objectif : éviter que les citoyens français, et plus largement européens, ne contribuent à la destruction de forêts tropicales à mille lieues de chez eux en buvant un café.
L’huile de palme, la viande bovine, le soja concernés
Le texte prévoit ainsi l’exclusion du marché européen du boeuf, du bois, de l’huile de palme, du soja, du café ou encore du cacao liés à la déforestation, qu’elle soit légale ou pas dans le pays de production. Le caoutchouc, ainsi que plusieurs matières associées (cuir, ameublement, papier imprimé, charbon de bois…) sont également concernés, a précisé le Parlement dans un communiqué. Leur importation sera interdite si ces produits sont issus de terres déboisées après décembre 2020, en tenant compte des dommages infligés non seulement aux forêts primaires, mais à l’ensemble des forêts.
Et pour cause : selon l’Agence des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), près de 420 millions d’hectares de forêts, soit une superficie plus vaste que l’UE, ont été déboisés entre 1990 et 2020. Et les Européens contribuent de manière significative à ce phénomène. En 2017, le Fonds mondial pour la nature (WWF) a estimé que les importations de l’Union ont été à l’origine de 16 % de la déforestation liée au commerce mondial, ce qui en fait le deuxième destructeur de forêts tropicales derrière la Chine (24 %) et devant l’Inde (9 %) et les Etats-Unis (7 %).
Comment le texte va-t-il se concrétiser ? Les entreprises importatrices seront responsables de leur chaîne d’approvisionnement et devront prouver leur traçabilité via des données de géolocalisation des cultures, qui pourront être associées à des photos satellitaires. Le texte prévoit par ailleurs la mise en œuvre de contrôles plus ou moins fréquents. Au moins 9% des volumes importés depuis les pays où le risque de déforestation est élevé devront être contrôlés (seulement 1% pour ceux où le risque est le plus faible). Les amendes, calculées selon les dommages environnementaux, pourront atteindre jusqu’à 4% du chiffre d’affaires annuel total dans l’Union européenne.
« Il s’agit d’une première dans le monde! C’est le café du petit-déjeuner, le chocolat que nous mangeons, le charbon dans nos barbecues, le papier de nos livres. C’est radical », s’est félicité Pascal Canfin (Renew, libéraux), président de la commission Environnement au Parlement européen. Le texte avait été proposé en novembre 2021 par la Commission européenne, après qu’une consultation publique lancée en 2020 par la Commission pour demander une loi ambitieuse contre la déforestation, a réuni 1,2 million de personnes. Elle a été la deuxième consultation la plus populaire de l’histoire de l’Union européenne (UE).
Une extension du texte à d’autres terres boisées étudiées plus tard
Le Parlement européen avait aussi réclamé d’étendre le champ du texte à d’autres écosystèmes boisés menacés, comme la savane du Cerrado (Brésil,Paraguay,Bolivie), dont provient une partie des importations européennes de soja. Mais l’accord trouvé entre négociateurs du Parlement et des États, stipule finalement que cette extension « à d’autres terres boisées » devra être évaluée au plus tard, un an après l’entrée en vigueur du texte.
De même, après deux ans, la Commission est tenue d’étudier une possible extension du champ d’application à d’autres produits (comme le maïs, que les eurodéputés voulaient cibler dès à présent), à d’autres écosystèmes riches en stockage de carbone et en biodiversité (tourbières…), mais aussi au secteur financier. A terme, l’UE pourrait ainsi envisager d’obliger les institutions financières à refuser des services financiers ou des crédits si ces derniers risquent d’être associés à des activités de déforestation.
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En revanche, « nous avons déjà obtenu une définition beaucoup plus robuste de ce qu’est la dégradation des forêts pour couvrir de larges zones (…) et des garanties pour protéger les droits des peuples autochtones, nos meilleurs alliés contre la déforestation », a déclaré auprès de l’AFP Christophe Hansen (PPE, droite), négociateur pour le Parlement. Les importateurs devront ainsi « vérifier la conformité avec la législation du pays de production, en matière de droits de l’homme, et s’assurer que les droits des populations autochtones concernées ont été respectés ».