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Tarif de l’électricité : quand les communes en profitent

La cour administrative d’appel de Paris vient de donner acte à la Ville de Nouméa et à EEC de leur désistement dans « l’affaire » du plafonnement des redevances communales.

Ci-dessous le contexte et l’historique de l’affaire, qui est loin d’être close.

L’électricité doit être fournie aux ménages au juste prix, permettant à chacun de bénéficier de ce service. Le Budget Consommation des Ménages (2008, ISEE) indique que 93% des ménages bénéficient du service de l’électricité pour un montant mensuel moyen de 13200 CFP. Pour un ménage, toute modification du tarif du kWh, de l’abonnement ou des taxes impacte directement son pouvoir d’achat.

 

La grille tarifaire de l’électricité, qui comporte le coût du kWh et de l’abonnement, est identique sur l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie. Elle est fixée par arrêté du gouvernement, selon des principes posés par une délibération du congrès encadrant le système électrique. Ces principes assurent la rémunération des distributeurs d’électricité, indépendamment des ventes qu’ils en réalisent.

Les modalités d’établissement du prix du kWh sont « un peu compliquées » (voir par exemple le rapport de la Commission de Régulation de l’Energie en date du 10 septembre 2019), mais le principe est que le prix du kWh ne bouge pas pour le consommateur (un sujet politiquement sensible dans un contexte de vie chère), le territoire compensant, par une subvention à l’opérateur de transport (Enercal), le manque à gagner lié au maintien du prix du kWh. C’est alors le contribuable qui paie…

 

Nous sommes intervenus en 2019 dans le cadre de deux recours en annulation menés par la Ville de Nouméa et EEC contre un même arrêté du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie (sous la présidence de M. Germain), arrêté plafonnant les redevances versées aux communes par les concessionnaires de distribution de l’électricité (*). Le plafonnement visait à stopper le caractère inflationniste (voire clientéliste) de ces redevances, de fait strictement contractuelles entre les communes et leurs délégataires.

En dépit du fait que ce n’est pas prévu par les textes règlementaires, ces redevances sont en effet prises en compte dans les modalités d’établissement du prix du kWh : plus elles sont importantes, plus le prix du kWh (non compensé) augmente, plus le territoire va devoir compenser le manque à gagner lié au maintien du prix du kWh au consommateur. Il est à noter que ces redevances ne se justifient pas : elles ne correspondent pas à des services dûment rendus par les communes et sont bien supérieures à celles admises (et règlementées) en métropole.

Les jugements rendus en octobre 2019 par le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie rejettent les recours de la Ville de Nouméa et de son distributeur (jugements, cliquer ci-après : 1900211 et 1900255 du 31 octobre 2019 ; notons que le haut-commissaire de la République a pris fait et cause pour la Ville de Nouméa et EEC filiale de Engie : le contrat de délégation est-il un contrat important pour la présence d’Engie dans le Pacifique, au moment où l’Etat envisageait la cession de ses parts dans la société Engie ?).

Suite aux jugements qui leur étaient défavorables, la Ville de Nouméa et EEC ont fait appel, fin 2019 et début 2020, devant la Cour administrative d’appel de Paris.

Mais le 13 octobre 2020, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie (sous la présidence de M. Santa) a adopté un nouvel arrêté qui réhausse significativement le plafonnement précédent, de 8,6% à 11 %… Un joli cadeau aux communes.

 

En conséquence, la Ville de Nouméa et EEC se sont désistées de leurs appels auprès de la Cour administrative d’appel de Paris, qui vient de leur en donner acte (ordonnances, cliquer ci-après : 19PA04254 et 20PA00349 du 31 mars 2021).

Fin 2020, nous avons engagé plusieurs actions au tribunal administratif contre les redevances communales de la ville de Nouméa et contre l’arrêté d’octobre 2020 du gouvernement.

Pour le consommateur, ces redevances doivent être justifiées et ne pas s’apparenter à une imposition non consentie de sa consommation d’électricité.

Le gouvernement et la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) travaillent sur la révision de la grille tarifaire (révision dont nous entendons parler depuis plusieurs années maintenant !). Nous espérons que l’organisation du système électrique et la tarification de l’électricité seront revus pour plus de transparence et une optimisation des moyens de production et de distribution, afin de mieux maîtriser les coûts.

 

(*) C’est quoi, une redevance communale ?

Une commune peut demander à un usager qui utilise, à son profit exclusif, un bien public de verser en contrepartie une redevance. Si l’usager estime que cette redevance est trop élevée, il adoptera une autre solution (exemple : il installera une grue sur son propre terrain et non dans la rue).

En ce qui concerne les redevances communales liées à l’électricité, les paramètres sont différents.

L’électricité est fournie au consommateur par un concessionnaire de distribution publique d’énergie électrique (le délégataire, en l’occurrence Enercal ou EEC), l’autorité concédante (le délégant) étant la commune de résidence (ou le cas échéant un syndicat intercommunal). Un texte règlementaire encadre les contrats liant le délégataire à son délégant.

Ce texte prévoit que le délégant peut percevoir des redevances auprès de son délégataire. Il n’y a pas de précisions règlementaires sur l’assise ou le montant : la redevance peut être fixée sans lien avec le coût du service rendu par le délégant.

Par exemple, le contrat de concession attribué à la société EEC par la Ville de Nouméa prévoit trois « redevances » :

  • Une « redevance » pour occupation du domaine public en contrepartie des charges supportées par la Ville à cause de la présence du réseau d’électricité sur et sous la voie publique ; cette « redevance » est calculée sur la base de la longueur des réseaux aérien et souterrain ;
  • Une « redevance » pour mise à disposition d’ouvrage en contrepartie des avantages procurés par l’utilisation des biens de la concession, calculée sur la marge commerciale à un taux de 6,2% ;
  • Une « redevance » de contrôle assise sur la longueur des réseaux.
    Le montant de ces redevances n’a pas de conséquence sur le profit du délégataire. En effet, les redevances versées aux communes sont prises en compte, toutes communes confondues, dans la formule de calcul du tarif de vente de l’électricité, la rémunération globale des délégataires restant elle assurée. En clair, plus les redevances versées aux communes sont élevées, plus le prix de vente du kWh est élevé pour l’abonné. Plus les redevances versées à une commune sont élevées, plus les abonnés des autres communes y contribuent indirectement via le prix de vente du kWh. Le fait que le tarif du kWh n’ait pas évolué depuis plusieurs années ne change rien au raisonnement : c’est Enercal qui, dans son activité de transport de l’électricité, supporte le déficit du système électrique dans l’attente d’une compensation financière par la Nouvelle-Calédonie. In fine, c’est le contribuable qui paiera.

 

Les redevances sont librement négociées par les communes dans leurs contrats respectifs de concession de la distribution. En particulier, le pourcentage appliqué à la marge commerciale fait l’objet d’une négociation entre le délégant et son délégataire en cours de contrat, et peut aussi être un élément déterminant lors de la négociation d’un futur contrat (puisque la rémunération du délégataire est de toute façon assurée par les principes du système électrique).

Tout plafonnement règlementaire de ces redevances a pour impact de limiter l’augmentation, voire de diminuer, le tarif de vente de l’électricité. Le consommateur, qui assure, par le paiement de ses factures, à la fois la rémunération des délégataires et les redevances communales, est directement intéressé par le plafonnement de ces redevances.

 

A titre d’exemple, les redevances communales représentent, pour la Ville de Nouméa, en 2017, 577 millions de CFP (en sus de la taxe communale de 9% sur les consommations d’électricité pour un montant de 1,017 milliard de CFP). Ces sommes sont versées au budget général de la commune. Il n’était donc pas étonnant que la Ville de Nouméa se soit élevée, avec son concessionnaire EEC, mais sans succès auprès du tribunal administratif, contre le plafonnement global de ces redevances, plafond posé à 8,6% de la marge commerciale, alors qu’elle en perçoit 12 %.

Voir ici le communiqué de presse.

cf: UFC Que Choisir de NC.

 

 

 

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